1982-83
Révélée en juin 1981 dans l’exposition mythique Finir en beauté, organisée par le critique Bernard Lamarche-Vadel, Catherine Viollet est généralement considérée comme la seule artiste femme de la Figuration libre, qui s’est alors cristallisée dans ce loft parisien. Déjà proche de Rémy Blanchard, Viollet en effet intègre naturellement le groupe formé aussi de Boisrond, Combas et Di Rosa, dont une pratique rapide, hyper énergique et jubilatoire de la peinture la rapproche alors.
Pourtant, là où la Figuration libre tourne ostensiblement le dos à la culture artistique classique, privilégiant des sujets issus du rock, de la bande dessinée et plus généralement de la rue, Catherine Viollet choisit pour sa part le jardin ; celui des Tuileries, précisément, où elle découvre et photographie les dix-huit sculptures d’Aristide Maillol (1861–1944), installées en 1964 sous la direction de sa modèle, muse puis galleriste Dina Vierny, grande résistante aux talents nombreux (elle publie en 1975 un disque étonnant de Chants du Goulag).
Dans un jeu de miroir entre sculpture et peinture, mais aussi entre figures féminines (l’artiste, la modèle, l’héroïne), l’art de Catherine Viollet s’épanouit, d’abord sur les feuilles étroites de ses carnets de croquis Je tiens beaucoup à pouvoir en quelque sorte recueillir dans ma main la future composition, dit-elle, puis sur de larges toiles – souvent déjà colorées, des envers de tissus, dont du skaï – où les figures nues sont cernées par des éléments décoratifs pattern, où se perçoivent aussi les échos de Bonnard, Matisse ou Vuillard.
Pour autant, la peinture de Catherine Viollet n’a rien de commun avec l’art dit cultivé de la décennie 1980. En 1983, elle intitule la première présentation d’envergure de ces œuvres inspirées par Maillol La trêve des héroïnes ; dans le catalogue, elle évoque ces femmes absolument au présent : Elles ne dorment pas, mais je souhaite que l’on sente qu’elles sont au repos entre deux phase actives : fortes, puissantes, elles apparaissent disponibles après avoir combattu et avant d’entreprendre de nouveaux combats.
La rétrospective que vient de lui consacrer le musée d’Orsay, et l’exposition Maillol- Héritage, organisée par l’historien de l’art Thierry Dufrêne à la Galerie Dina Vierny, ont permis de mieux prendre la mesure de la modernité toujours actuelle de l’art de Maillol. Grâce à la générosité d’Olivier, Alexandre et Pierre Lorquin, et la participation de la Galerie Dina Vierny et du Musée Maillol, cette inédite quête de l’harmonie entre les peintures et dessins de Catherine Viollet et les œuvres qui les ont inspirées met en relief ce qui les rassemble : l’élan vital, le souffle de la liberté, l’échappée dans l’imaginaire, la recherche de la beauté vraie, cet autre nom de la vérité, au plus intime d’une féminité assez forte pour oser s’abandonner.
Stéphane Corréard et Hervé Loevenbruck